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Journée magique empreinte de nostalgie

Eloigné de mon domicile, le Sud de la France est une région où je ne vais presque jamais. Et pourtant, en ce week-end du milieu de mai 2004, les circonstances m'ont amené à me rendre à proximité de Monaco pour deux jours.
Heureux hasard ... !!! car quelques jours avant ce déplacement, dans une newsletter envoyée par Julien, notre webmaster préféré, une information attire mon attention : Jacky Ickx ne sera plus cette année le directeur de course du GP F1 de Monaco. Par contre il occupera cette fonction à l'occasion du GP historique qui se déroule le week-end précédent la course de F1.
Je réfléchis et mon esprit s'enflamme très vite. Je n'y crois pas mais c'est pourtant vrai, il s'agit de la date où je serai près de Monaco. Aussitôt, je pars à la chasse aux informations sur le programme du GP historique et à sa lecture, une seule évidence s'impose : il me faut assister à cet événement tant les voitures rares et belles seront nombreuses, et tant les courses semblent prometteuses. Et puis, dans ce programme, quelque chose attire mon attention. Au milieu de la journée, entre deux courses, une parade Ferrari F1 historique est prévue. Et si à cette occasion...???

Dimanche 16 mai 2004. Le temps sur la Côte d'Azur est superbe, la journée promet d'être belle. L'excitation est bien là.
J'arrive sur le circuit pour la seconde course de la journée et je prends place dans les tribunes qui font face aux nouveaux stands qui vont être utilisés pour la première fois cette année (et qui seront d'ailleurs officiellement inaugurés l'après-midi même par le Prince Rainier et le Prince Albert). Ici, l'atmosphère est particulière. J'avais eu l'occasion d'assister une fois au GP de Monaco en 1989, et en m'installant dans la tribune je retrouve, immédiatement les mêmes sensations qu'il y a quinze ans. En tous les cas, avec un programme de courses historiques, ces sentiments surgis eux aussi du passé vont encore renforcer la nostalgie.

Monaco, cela a été maintes fois répété, c'est un cadre de rêve, un environnement laissant croire que l'on est sur une autre planète. Mais surtout, pour ce qui concerne le sport, le plus extraordinaire, c'est la proximité de la piste. Ici, on est presque sur la piste, on peut pratiquement toucher les voitures à leur passage. On a l'impression de rentrer dans l'habitacle avec les pilotes, on voit leurs mouvements rapides et précis et on se laisse aller à tendre la main vers le levier de vitesse pour participer soi-même au pilotage !!!!

Lorsque démarre la première course à laquelle j'assiste, la magie est immédiate. Il s'agit de voitures de sport d'avant 1953 (Jaguar type C, Ferrari 166, Cisitalia…) avec au volant de glorieux anciens : Stirling Moss et Phil Hill. Un début prometteur.
La course suivante concerne les voitures de Grand Prix d'avant 1947. C'est dans ce plateau que se trouve la voiture la plus ancienne du meeting : une Bugatti 35 de 1925. Cette course me surprend et m'impressionne au plus haut point. Je n'aurais jamais cru que les voitures de cette époque roulaient aussi vite. Le spectacle est hallucinant et le pilotage intense. Ici, pas d'aides électroniques et autres gadgets qui dénaturent la course automobile. Ici, un homme, une machine, des glissades et du vrai spectacle. Exceptionnel !!! Je comprend enfin pourquoi cette époque de la course automobile a été baptisée, à juste titre, "l'ère des Titans".
L'après-midi, trois courses au programme :
- voitures de GP à moteur avant de 1947 à 1960 avec des Maserati 250 F, Lotus 16, Gordini, Ferrari Super squalo
- voitures de GP à moteur arrière de 1954 à 1965 avec des Cooper, Lotus 18, Brabham BT 11.
Deux épreuves très animées, avec comme dans chaque course de la journée, des pilotes attaquant réellement et roulant à un rythme très soutenu.

Enfin, l'apothéose : la course des F1 de 1966 à 1977 (retour aux moteurs 3 litres) avec un plateau somptueux : Lotus 72 et 77, Tyrell 001, 006 et P34 (six roues), McLaren M19, Brabham BT33, March 761 et bien d'autres. Un déferlement de puissance, une orgie de décibels, une attaque à outrance des pilotes de pointe et un superbe vainqueur, Martin Stretton spécialiste de ces courses historiques. Une belle conclusion à une journée pleine d'émotions, de nostalgie et de belles images.

Toutes ces courses furent magiques mais pour un fan de Jacky Ickx, le point culminant de la journée fut la parade Ferrari F1 historique. Avant que celle-ci ne débute, au moment de l'échauffement des moteurs, une agitation à l'autre bout de la voie des stands me laissait entrevoir qu'un événement se produisait. Mais depuis ma tribune, impossible de discerner quoi que ce soit. Ce n'est que lorsque que la piste fut ouverte à ces Ferrari que l'explication de cette agitation apparut. La première voiture commença à rouler doucement et derrière le volant, l'homme portait un casque bleu nuit…. un casque mythique, un casque de légende.

Comme je me l'étais imaginé, comme je l'avais secrètement espéré, comme j'en avais rêvé, Monsieur le Directeur de course venait de prendre le volant d'une 312 B2.
Au premier passage sous mes yeux, à quelques mètres de moi, l'émotion me submergea. Dix neuf ans (depuis Le Mans 1985) que je n'avais pas vu Jacky Ickx en action (à l'exception d'un tour de parade au ralenti en GT 40 lors de l'ouverture des 24 heures du Mans 2000).Il était là, roulant à un bon rythme et je n'avais plus d'yeux que pour lui. Parmi la quinzaine de Ferrari de 1970 à 2000 qui étaient en piste, une seule existait. Une seule brillait. Rien d'autre ne comptait que cette 312 B2 avec son pilote d'alors au volant. Malheureusement, Jacky ne fit que quelques tours arrêtant de tourner au bout d'un quart d'heure pour aller se préparer à reprendre ses fonctions de Directeur de Course pour les épreuves suivantes. Je le vis rentrer doucement au stand. Puis l'agitation initiale ayant disparu, je pus l'apercevoir descendre de la voiture et retirer son casque. Il prit quelques instants pour discuter avec deux ou trois personnes et s'éloigna tranquillement jusqu'à disparaître derrière les stands. Le rêve s'en était allé, s'était évanoui comme un fantôme surgi du passé. Il avait été trop bref mais tellement intense et en harmonie avec le contenu et l'esprit de cette journée.

Plus tard dans la journée, j'eus encore l'occasion de revoir Jacky mais ce n'était que sur l'écran géant disposé en face de ma tribune alors qu'il félicitait Martin Stretton, le vainqueur de la dernière course.
Même si je n'avais pas pu l'approcher de très près comme quelquefois par le passé, j'avais eu le vrai plaisir de le retrouver sur un circuit et de le voir au volant. Comme quand j'étais môme !!!

16 mai 2004 à Monaco, une journée magique et empreinte de nostalgie. Du bonheur à l'état pur.


Ecrit par Dominique Dreneau
Publié le 20-06-2004

Vos commentaires

Bravo pour cet article ( Ecrit par Dubois serge le 23-07-2004 )

Toutes mes félicitations pour votre article et quelle chance pour vous de pouvoir être présent à de si nombreuses courses. Je pense que les grands prix historiques sont de plus belles courses que les courses modernes de F1, car elles font appel à tout moment aux valeurs les plus pures du sport automobile, et pas à tout cet opéra-fric que constitue aujourd'hui le F1. J'ai assisté au GP F1 de Belgique à Francorchamps en 99, ou était-ce 2000 : je ne sais même plus qui a gagné et je me suis emm...pendant 2h après avoir payé tout de même 5000 BEF!
Bref, vive les courses, les vraies, où l'homme dominait la machine, mais pouvait à tout moment perdre la vie (un peu comme dans la corrida ; excusez la comparaison, mais je pense qu'elle n'est pas idiote)
On pourra encore discuter longtemps à ce sujet, mais tant mieux , nous, nous l'avons vécu et ces souvenirs, on ne nous les prendra jamais!