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Jacky Ickx : deux rallyes en ...20 ans

Jacky Ickx était donc bel et bien au départ des 25e Boucles de Spa 1982 organisées par son ami Alphonse Delettre. La voiture : la Porsche (bien sûr) 924 GTS avec laquelle Walter Röhrl fit la pluie et le beau temps dans le cadre du championnat d'Allemagne 1981.

"Monsieur d'Administrateur du Circuit de Spa", associé à John "Ygrec" (vous avez saisi l'astuce) n'avait d'autres ambitions que de s'amuser dans une forme de compétition qu'il ne connaissait pas. "A l'exception de Paris-Dakar, ceci est le deuxième et dernier rallye de ma carrière. Ma première course de ce type remonte à l963 ou 1964. J'avais terminé les 12 heures de Huy sur une Hilmann Imp".

Il n'était donc pas question ici d'un coup d'essai en vue d'une reconversion éventuelle. "Non, non, ceci est bien une participation unique... just for fun. Depuis que j'ai arrêté de courir en F1, je peux enfin me permettre de ne plus choisir que les courses qui m'amusent. J'avais envie de faire un rallye et ceci est ma seule justification. J'en ai parlé à l'usine Porsche et ils m'ont immédiatement proposé de conduire ce monstre".

Tout souriant et entouré comme vous pouvez l'imaginer, Jacky Ickx mit bien les pendules à l'heure dès avant le départ. "Ceux qui prétendent que je serai compétitif et qui me citent parmi les favoris prennent des risques inconsidérés. Je ne suis pas là pour faire des temps - ce dont je serais bien incapable - et si j'ai envie de ne pas traîner, c'est par rapport à moi".

Peu adaptée au terrain spadois, mal suspendue pour les chemins ou la terre locale, la 924 GTS dont Ickx disposait n'était évidemment pas l'arme idéale pour faire des débuts dans une telle galère. "Heureusement qu'il n'y aura pas de neige et seulement un tout petit peu de glace. J'avoue que si c'était le cas, le handicap serait quasiment insurmontable. A mon âge... et au vu de mon inexpérience totale, le premier objectif est de laisser les arbres à très bonne distance"...

Hilare après la première boucle ("c'est vraiment très rigolo"), toujours aussi détendu dans la suivante, Jacky renonça après la troisième. Une petite sortie, une crevaison, l'accélérateur bloqué, des ennuis de suspension et surtout de direction (la raison de l'abandon) n'entamèrent pas son moral mais, hélas, c'était déjà la fin. Successivement huitième puis dixième à distance respectable des leaders, Ickx avait définitivement rejoint sa caravane "façon course de côte" le samedi soir. "Franchement, je me suis terriblement bien amusé mais les biellettes successives n'en ont plus voulu. Dommage. Le rallye "à l'européenne", c'est fini, mais je suis heureux comme un gosse d'avoir tenté cette expérience".

Mais que pensait Jacky de lui ? "Je m'attendais à faire "ça" mais pas à ce que les autres puissent aller si vite. Après La Clémentine (1er passage, 1er tour), une étape certes mauvaise, j'estimais avoir été 20 secondes moins vite que les premiers. En fait, il y avait 1'10" d'écart. C'est énorme et prouve à quel point on ne s'improvise pas spécialiste d'une discipline même si on est celui d'une autre"... Mais des gens comme Andruet ou Duez y arrivent. Alors, avec un peu d'entraînement... "Il est possible de mieux faire certainement mais on ne peut pas atteindre le top niveau des deux côtés à la fois. C'est trop différent. Pour résumer, je dirais qu'en circuits, il faut tout faire pour ne pas glisser alors qu'en rallyes, il faut tout faire pour bien glisser. Les travers font perdre du temps sur pistes alors qu'en rallyes, la glisse bien assimilée fait la différence entre un champion et un pilote correct. C'est diamétralement opposé. On ne peut donc pas faire les deux parfaitement. Le jour où quelqu'un gagnera le Monte-Carlo et le GP de Monaco la même année, on pourra en reparler. En un mot, jamais".

De Jacky, par contre, on reparlera d'ici quelques semaines. Le Mans et deux ou trois autres courses Groupe "C" sont à son programme Porsche 1982. L'occasion rêvée de retrouver "sa" discipline et "ses" podiums. "Trois ou quatre courses par an, le pied... Je roule pour gagner, c'est vrai, mais aussi et surtout pour m'amuser. Depuis que je cours, c'est ma philosophie. Je n'en changerai jamais"...

Merci à Marc Devillers pour avoir retrouvé et envoyé cet article d'époque
Des photos de cette épreuve sont disponibles ici


Ecrit par C.L
Publié le 30-08-2004